vendredi 2 février 2007

Regards

Les gens d’un autre temps sont des extra-terrestres.

Les vains efforts des films historiques, depuis « la guerre du feu » jusqu’au « soldat Ryan » le prouvent.

Malgré fortunes de décors, déluges d’effets spéciaux et montagnes de talent, les yeux des acteurs, involontaires récipients-miroirs de leur époque, perdent, dans l’anachronisme inévitable de la mise en scène, toute crédibilité.

Un homme, renié sous le masque d’animal le plus perfectionné, reste un homme par l’éclat de sa prunelle. Le regard humain, lourd de son histoire, ne souffre pas le truquage des reconstitutions.


Ces trois garçons nous toisent d’un regard adulte dont nos adolescents sont incapables ; et leurs costumes de faux enfants n’y sont pour rien.
Le chauffeur, héros de l’histoire, fait un effort pour nous ressembler et cet effort le trahit lamentablement.
Derrière la voiture, le dandy endimanché préfère détourner les yeux. Regarder l’objectif, voir(e) au-delà, est au-dessus de ses forces.
Jean Poiret, acteur s’il en fut, parvenait bien à l’imiter. Mais Jean Poiret est mort. Partant, l’a rejoint.
Leurs cinq répliques, derrière, nous semblent plus humaines.
Retenues par leur maîtresse, elles attendent, patientes, à l’entrée du magasin, et elles nous parlent d’un regard entendu.

Le regard humain comptabilise les tours de roue de la planète.
Le nôtre a quelques génocides, quelques belles inventions, quelques traits de génie de plus que ces fiers poseurs, les pieds englués dans le noir et blanc.
Il a aussi, probablement, beaucoup moins d’amertume suffisante, de calculs ironiques, d’intelligence asservie, que celui de nos successeurs.

Dominique Le Saout