lundi 19 février 2007

Etrange

Le mythe du voyageur fou n'est-il pas mort ?

Il fait froid, c'est l'hiver et il neige et il gèle la nuit jusqu'à moins vingt parfois. Personne ne s'en émeut. Nous sommes en climat continental, n'est-ce-pas, et en hiver aussi.

Sur un chemin gelé que la solitude et le silence rendent plus froid encore, au blizzard exposé, à l'écart de la route, la seule, qui relie Varsovie à Moscou, sur un chemin qui par la forêt pétrifiée descend sur un hameau endimanché d'un sommeil tout blanc, il était là, sans voix, ses pieds noircis gelés et son manteau troué qui pendait, qui pendait sur sa chaussure en toile...

Il eût pu être mon fils. Jeune. Une absence terrifiante dans le regard tout bleu. Quelque part dans sa poche un papier avait dit à ceux qui le trouvèrent trébuchant sur la neige et la tête baissée, qu'il était un Français.

Non, je ne sais d'où je viens, a t-il murmuré en tremblant ses lèvres éclatées jusqu'à mon oreille.
je ne sais où je vais
je ne sais où je suis.
Langage pur venu d'un pays trop lointain.Le mien.
Le bout des doigts était gelé aussi. Cet homme avait marché, marché longtemps et serré dans ses bras la solitude éperdue des nuits aux étoiles glacées.
Une larme ? Dans ses yeux ? Non. Dans les miens. Son oeil avait trop froid pour laisser couler une souffrance.
Cet homme n'avait plus peur.
Un étranger de mon pays qu'une étrange et silencieuse tempête avait échoué sur un chemin gelé...

Et ma main tendue, qui tremblait, qu'il n'a pas vue.